Rentrée des classes et harcèlement
La rentrée des classes est un moment spécial quelle que soit la place ou le rôle que nous avons.
Petits, nous oscillions entre joie de retrouver nos ami.e.s et petit trac.
A l’arrivée au collège, nous avons toutes et tous appréhendé notre passage « chez les grands ». D’ailleurs amusez-vous à interroger toutes celles et tous ceux qui y sont passé.e.s ; toutes et tous se souviennent très bien des instants avant comme pendant ce fameux grand jour !
Plus tard, nous avons eu d’autres rentrées : lycées, écoles ou universités pour certain.e.s.
Et, un jour, c’est parent, que nous accompagnons à notre tour, pour la rentrée.
Ainsi, là où l’humain traverse des cycles, celui de la rentrée en septembre, de sa scolarité est un des plus marquants dans sa propre construction personnelle et psychologique.
Quand on débute une psychothérapie, la période de la scolarité est forcément abordée.
D’une part parce que toutes ces rentrées et les années qui s’y rattachent ont marqué notre histoire et, d’autre part, parce que ces années sont jonchées d’une multitude d’histoires, de rencontres, d’étapes etc.
Et, ce qui m’interroge aujourd’hui dans ma pratique de psychologue, c’est le nombre important de personnes qui ont été confrontées, au cours de leurs scolarité et toutes les rentrées, à la question du harcèlement à l’école.
Aussi, avec cette nouvelle rentrée je tenais à évoquer le sujet du harcèlement à l’école et ces milliers d’enfants qui craignent ce jour ainsi que des adultes, tous aussi nombreux réactivé.e.s par ces souvenirs douloureux.
Ce que, trop, appellent des « jeux d’enfants », est un véritable fléau dont on parle plus aisément est un véritable traumatisme pour celles et ceux qui en ont été victimes.
Je tenais absolument à poser des mots ici pour toutes et tous les soutenir voire les accompagner.
Quand le harcèlement est une violence
Harcèlement scolaire : DES définitions en évolution
En se penchant sur la définition du harcèlement scolaire, on prend conscience que le concept en lui-même à son propre historique et sa propre évolution.
UNESCO elle-même a encadré un programme d’études sur la question.
Et, si a définition de départ stipulait que le harcèlement scolaire s’entend comme une « conduite agressive et indésirable qui se répète et s’inscrit dans un rapport de pouvoir ou de force déséquilibré », aujourd’hui on parlera toujours de harcèlement mais en ajoutant la notion de violence à l’école (et en ligne).
L’évolution sémantique passe progressivement du terme « incivilités » (années 1990), à celui de « microviolences » (années 2000), pour parvenir au terme actuel de « harcèlement scolaire » (années 2010).
Cette évolution reflète un changement dans la perception et la prise en charge des interactions violentes au sein des établissements scolaires, soulignant l’importance de comprendre ces comportements dans un cadre social et institutionnel plus large.
Cette évolution plus inclusive permet de reconnaître la souffrance qu’engendrent ces 2 notions.
Alors, oui, le harcèlement scolaire est une violence.
Le plus souvent, elle est gratuite, intentionnelle, répétée et perpétrée par des enfants qui ont pleinement conscience du caractère inadapté de leurs agissements (puisqu’ils et elles s’arrangent pour le cacher).
Harcèlement scolaire : toutes et tous concerné.es !
Entre le 9 et le 15 novembre 2023, un formulaire d’auto-évaluation anonyme sur le harcèlement a été rempli dans plus de 38 000 établissements en France via l’Education Natioanle. Cela représente 7,5 millions d’élèves, du CE2 à la classe de terminale. Ce questionnaire a été fixé par un décret du 7 novembre 2023, publié au Journal officiel du 8 novembre 2023.
Les résultats démontrent qu’en moyenne, le harcèlement touche :
• 5 % des écoliers ;
• 6 % des collégiens ;
• 4 % des lycéens.
On compterait plus d’un élève harcelé par classe.
Ces conclusions ont été réalisées sur un échantillon représentatif de 17 000 questionnaires.
Ce qui sous-entend, qu’en France, dans chaque classe, un enfant est victime de violences par des camarades.
Tous les établissements scolaires sont concernés.
Tous les enfants aussi.
On estime à 700.000 le nombre d’enfants victimes !
Harcèlement scolaire : causes, conséquences et impacts
Comprendre le harcèlement scolaire, c’est déjà reconnaître son procédé.
L’étude du harcèlement à travers différents contextes sociaux révèle que les méthodes évoluent et que les perceptions que la société se fait du phénomène changent également. Par le passé, il a ainsi pu être perçu comme un « rite de passage » presque accepté alors que désormais il est identifié comme une problématique sociale majeure nécessitant la mise en place d’interventions spécifiques.
En revanche, le phénomène garde une constante transculturelle et transhistorique dans sa structure, identifiable par les 4Ps :
Power, Pain, Persistence, et Premeditation. Le déséquilibre de pouvoir (Power) révèle une dynamique où l’agresseur, jouissant d’une supériorité, qu’elle soit réelle ou perçue, inflige une douleur (Pain) à la victime. Cette douleur n’est pas forcément et pas uniquement physique, mais s’étend à des souffrances émotionnelles et psychologiques profondes. Le caractère persistant (Persistence) du harcèlement souligne que ces actes ne sont pas isolés, mais se répètent dans le temps, exacerbant l’impact sur la victime. Enfin, la préméditation (Premeditation) indique que ces actes ne sont pas fortuits, mais réfléchis.
Cette structure en 4Ps fournit un cadre pour comprendre le harcèlement scolaire au-delà des spécificités culturelles.
Qui dit violences dit souffrances.
Et qui dit souffrances dit conséquences.
Des études montrent que les enfants victimes de harcèlement ont une propension au repli sur soi pouvant aller jusqu’au suicide.
Il est vital de comprendre qu’un.e enfant ou un.e adolescent.e, en pleine construction dans son identité sociale est comme dépendant.e de son groupe d’appartenance.
Il ou elle a besoin de trouver, auprès de ce groupe, de la reconnaissance, de la valeur pour commencer à exister en dehors de son groupe familial et de devenir la personne qu’il ou elle a à devenir.
En étant rejeté.e, humilié.e, moqué.e et violenté.e, c’est comme si on instillait un poison au cœur même de cette construction.
Cela non seulement l’isole mais fait naître en lui ou en elle, une série de croyances négatives.
Or, jusqu’à la maturité cognitive et affective (pas avant le stade de l’acquisition hypothèse-déduction), il est impossible pour nos enfants de suffisamment prendre conscience de la situation véritable.
Les victimes de harcèlement intériorisent les violences subies ou entendues et finissent par les considérer comme vraies.
Déjà très flexibles et influençables, ils et elles absorbent et intègrent ces violences.
Ainsi, si on leur répète en boucle des horreurs, ils ou elles vont considérer qu’ils ou elles le méritent voire que c’est effectivement ce qu’ils ou elles sont !
Comme expliqué plus haut, les enfants et adolescents sont tout autant en construction physique, psychologique et sociale.
Ces mots et violences répétées sont être intégrées, ingérées pour devenir des croyances.
Et ces dernières vont influencer leurs comportements (anxiété voire dépression), leurs relations aux autres mais aussi leur image de soi jusqu’à leur propre légitimité
Les impacts sont donc immédiats mais aussi dans la durée.
Mésestime de soi, perte de confiance, croyances négatives, peurs de l’autre, sentiments d’abandon, de perte, de doutes… seront les éléments de la construction individuelle… retrouvée forcément chez l’adulte !
Harcèlement, violences et conséquences
Aujourd’hui, je rencontre de plus en plus de patient.e.s faisant état de manque patent de confiance.
Cela les handicape dans leurs évolutions professionnelle et personnelle. Ils ou elles sont en difficultés dans la relation aux autres, porté.e.s majoritairement par des sentiments de peur d’autrui, de craintes du jugement…
On retrouve des personnes ultra conformistes, discrètes, introverties.
La place du jugement d’autrui ou de la croyance d’un.e « autre meilleur.e que soi », « plus habile », « plus heureux ou heureuse », « plus normal.e » aussi.
Dans des sociétés d’ultra production, de place à la valorisation, on pourrait penser que ces personnes manquent d’un petit quelque chose pour mieux se penser.
Or, quand on prend le temps, on découvre des épisodes de harcèlement, de violences verbales ou physiques des autres enfants/adolescent.e.s.
En prime, le silence de nombreux adultes qui n’ont pas du tout activer d’espace sécurisant.
Soit les adultes, parents comme enseignants minimisent la situation de l’enfant, soit il n’y a aucune action de leurs parts.
Pire, on déplace l’enfant victime et les bourreaux restent validés par ce manque de prise ne compte.
Je ne ferai pas ici un paragraphe sur l’absurdité de certains comportement adultes et sociétaux. Ils parlent d’eux-mêmes : en écartant la victime sans prise en charge du bourreau (sanction psycho-éducation etc.), on normalise les actions violentes qui se légitimisent dans d’autres sphères plus tard (violences faites aux femmes, sur enfants…).
Par contre, il est vital de considérer ces faits comme des faits de violences et donc comme des TRAUMATISMES.
Et ces derniers nécessitent des prises en charge psychologiques où la parole est enfin entendue, respectée, accompagnée.
Toutes et tous ces adultes blessé.es, en souffrance dans leurs identités, leurs images méritent de recevoir une écoute bienveillante.
La prise en charge EMDR facilite l’intégration du traumatisme pour le dépasser, en faire une force.
Je note que ces patient.e.s ont besoin d’entendre combien la part blessée d’eux-mêmes ou d’elles-mêmes a activé des séries de croyances très négatives.
En retraitant ces dernières, on gagne en résilience, en forces, en ressources et on apprend à s’aimer mieux.
De la prévention à la prise en charge du harcèlement scolaire
Elle nécessite que les parents comme les enseignant.e.s soient vigilant.e.s mais surtout que les actes et paroles soient considérées comme importantes.
Chacun.e d’entre nous gare le souvenir cuisant d’une recherche de sécurité auprès d’un.e adulte et d’avoir été balayé.e comme quantité négligeable.
Ce simple fait est une violence aussi.
Il est essentiel de ne pas considérer ces faits comme de simples « jeux d’enfants ». Certains vont jusqu’à des actes considérés comme de la torture à la majorité (et sont donc passibles de prison).
Les parents de harceleurs et harceleuses, même si la réaction est défensive, se doivent de favoriser la parole de la victime avant de défendre leur enfant.
J’ai vu des adultes tellement abîmé.e.s par ces évènements qu’ils ou elles souffraient, même des années plus tard de syndromes dépressifs, de difficultés psychologiques et physiques à rentrer en lien avec les autres, des sexualités perturbées (on parle alors d’Etats de Stress Post-Traumatique)
La place de la violence reste centrale.
La prise en charge du psycho traumatisme est donc une évidence déjà par sa reconnaissance en le nommant.
Aider à prendre conscience des impacts durables sur les victimes comme sur les bourreaux est aussi important.
J’invite donc tout le monde adulte de ne pas seulement se contenter de répéter « c’est mal d’embêter ton ou ta camarade » mais bien de travailler avec les enfants les concepts de différences, de tolérance et de bienveillance.
Non seulement cela fera de bien plus belles rentrées… mais aussi un monde plus beau.
Ressources:
Journée internationale contre la violence et le harcèlement scolaire
Police Nationale
Harcèlement scolaire: victime ou témoin, comment agir ?
A l’école:
Le 3018 : un numéro unique face au harcèlement
Face à une situation de harcèlement scolaire ou de cyberharcèlement, les jeunes, les parents et les professionnels peuvent être accompagnés.
Depuis septembre 2023, le 3018 devient la plateforme unique face aux situations de harcèlement à l’école ou en ligne. L’écoute est assurée par des psychologues, des juristes et des spécialistes des outils numériques.
Pour joindre le 3018, vous pouvez :
• composer le numéro 3018 (7 jours sur 7, de 9h à 23h. L’appel est gratuit, anonyme et confidentiel) ;
• télécharger l’application 3018 (appel, tchat) ;
• joindre le 3018 via Messenger ;
• contacter le 3018 par courriel.
Le 3018 permet de signaler une situation de harcèlement et du contenu malfaisant en ligne, sur les réseaux sociaux ou les sites pornographiques. Après un signalement, le contenu préjudiciable peut être supprimé en quelques heures.
Des mesures pour la lutte contre le harcèlement
– Un plan interministériel pour lutter contre le harcèlement a été présenté le 27 septembre 2023. De nombreuses mesures ont été annoncées, parmi lesquelles :
– un numéro unique contre le harcèlement, le 3018, qui remplace le 3020 ;
– l’adhésion au programme pHARe est désormais obligatoire dans tous les établissements scolaires ;
– un prix Non au harcèlement récompensant des groupes d’élèves ayant créé un support de prévention du harcèlement (affiche ou vidéo) ;
– une formation à destination des représentants de parents d’élèves, disponible en ligne, d’ici la fin de l’année scolaire 2023/2024 ;
– une formation de l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale pour réagir face au harcèlement d’ici la rentrée 2027.